Zoom sur le film : A Taxi driver

Résumé : Kim Man Seob est un chauffeur de taxi qui vit avec sa fille de onze ans. C'est un homme normal de la classe ouvrière qui se soucie chaque jour de travailler plus pour nourrir sa famille. Kim Man Seob va, par hasard, se retrouver impliqué dans une déclaration de journalistes allemands sur les événements du mouvement de démocratisation de Gwangju. Il va alors se retrouver bien involontairement à couvrir l'insurrection de Gwangju. Source Nautiljon

Info : Ce film est basé sur une histoire vraie qui s'est déroulée en mai 1980 lors du soulèvement de Gwangju. Le personnage de Kim Man Seob est inspiré du chauffeur de taxi coréen Kim Sa Bok et celui de Peter est basé sur la vie de Jürgen Hinzpeter, journaliste allemand qui a filmé et signalé le massacre de Gwangju.

Mon avis : Je suis complétement retournée parce que je viens de voir...A Taxi driver est le genre de film qui vient vous mettre une belle claque et vous prendre aux tripes même une fois fini. Ne vous fiez pas à cette affiche d'un chauffeur de taxi bienheureux, encore une fois on a affaire ici à une oeuvre coréenne bien sérieuse et sombre. Ce film était tellement poignant que j'étais même encore en larmes devant le générrique de fin... On a beau m'avoir rabâché cette période historique monstrueuse pendant mes études à l'Inalco, ce n'est qu'en regardant A Taxi driver que j'ai réellement compris le lourd poids de ce massacre dans l'esprit des coréens. 

A taxi driver commence dans la légèreté, on s'amuse de voir ce chauffeur de taxi chanter à tue-tête en conduisant, et on rit de plus belle lorsqu'il essaye de parler en anglais avec un allemand qu'il doit conduire à Gwangju pour des affaires. Bref, une bonne partie où on rigole bien. Et personnellement, je n'étais pas du tout préparée à ce qui allait suivre, en n'ayant pas lu le résumé, j'étais loin d'imaginer que j'allais revivre la guerre civile de Gwangju... C'est seulement lorsque j'ai vu le chauffeur de taxi être stoppé par une barrière de militaires les empêchant d'entrer dans la ville que je me suis dit "Merde, on est à Gwangju, de plus dans les années 80, au non mon dieu ne me dites pas que...et si"... Je vous préviens d'office, il faut être blindé pour voir ce film, qui est vraiment éprouvant et suffocant. Je suis contente de l'avoir vu chez moi et non au cinéma. J'ai pu mettre pause quand c'était trop douloureux et pleurer toutes les larmes de mon corps. 

Le film est excellent en ce que le réalisateur a choisi minutieusement quelle sorte de massacre il voulait nous montrer et comment il allait le montrer. Plutôt que de mettre un plan de bataille où les deux camps s'entremêleraient dans le sang sans une once d'humanité, ici, le réalisateur nous prend aux tripes, au coeur même des sentiments humains, en fixant la caméra sur chaque individu blessé par les balles et asphyxié par les bombes lacrymogènes. Des plans difficilement supportables où on ne peut qu'être horrifié par le spectacle sanglant et inhumain qui s'offre sous nos yeux. Rappelons le, ce soulèvement est mené par de jeunes étudiants, imaginez donc l'horreur de voir plusieurs millier de jeunes sans défense s'écrouler un à un sous les balles de l'armée coréenne. Le combat n'est pas équitable du tout...Mais même en n'ayant aucune arme, les étudiants ne lâchent rien, se battent courageusement pour la liberté, pour la démocratie de leur pays... On se sent alors bléssé et révolté avec eux. 

Certes, le film nous peint une violence extrème et immorale, mais surtout, il témoigne du système politique coréen défaillant et problématique même encore aujourd'hui. En effet, le film nous parle d'un chauffeur de taxi habitant à Séoul qui doit conduire un étranger à Gwangju pour nous dit-on premièrement : "des affaires". Sauf qu'on découvre un peu plus tard avec le héros la véritable identité de l'étranger allemand qui est en réalité journaliste-reporter chargé de s'informer en toute discretion sur la révolte en cours à Gwangju. Et là où le scénariste est brillant, c'est qu'il nous prouve à quel point les coréens sont murés dans un système où aucune information ne circule. Le gouvernement a effectivement volontairement terré le carnage qui se passait quelques kilomètres plus loin. Le pire du pire c'est que même les villes à côté de Gwangju n'étaient pas au courant... D'ailleurs, lorsque le chauffeur part temporairement de Gwangju à un moment du film, il passe dans la ville d'à côté où les habitants mènent leurs petites vies tranquillou. C'est absolument choquant de passer d'une ville désertée, où seule l'horreur demeure, à une ville vivante en mode no soucis... Ce décalage est poignant et révoltant. On a envie d'aller voir les gens un par un et de leur expliquer qu'une guerre sanglante se déroule 5 kilomètres plus loin. Le scénariste nous met donc dans la peau de ce chauffeur de taxi séoulite qui se voit expliquer cette situation de soulèvement par un étranger...Imaginez vous qu'un étranger sache mieux que vous ce qu'il se passe dans votre pays... il n'y a pas un problème quelque part?!! Je peux affirmer qu'aujourd'hui la Corée est encore bien loin d'être une démocratie et que malheureusement le gouvernement contrôle parfaitement ses citoyens. Personnellement, lorsque j'y ai vécu en 2014, je n'étais absolument pas au courant que des missiles nord-coréen avaient touchés des petites îles non loin de la Corée du sud. Aucune information n'a circulé à la TV et dans la presse, comme si rien ne s'était passé. Encore une fois, j'ai été informée par ma famille en France. Cela prouve bien qu'on est encore dans un régime plein de corruption et de contrôle. En ce sens, le film dénonce le gouvernement absoluement horrible et inhumain de l'époque, et avec beaucoup de pincettes, celui d'aujourd'hui. 

Le film est aussi touchant grâce à ces personnages. On a d'un côté ce chauffeur de taxi père célibataire qui nous attendrit par la relation fusionnelle qu'il a avec sa fille. Il se retrouve embarqué dans cette guerre par pur hasard et finalement il est assimilé aux spectateurs qui lui aussi est pris au dépourvu. D'un autre côté, on a cet allemand qui au début semble suivre son travail de reporter machinalement en enchainant des interviews avec les étudiants, puis le combat arrive et là l'horreur, tout comme nous, le saisi d'effroi. L'évolution des personnages est donc très intéressante, même sur la fin. Sachant que c'est une histoire vraie, la relation entre ces deux personnages m'a encore plus touché. 

A Taxi driver est d'autant plus captivant par sa réalisation millimétrée et maîtrisée jusqu'au bout. Comme je le disais tout à l'heure, lors des manifestations, la caméra suit tour à tour les balles qui viennent se planter douloureusement dans les chairs, accentuant alors le côté inhumain du combat. Les champs de bataille m'ont totalement angoissée, tout comme la police secrète envoyée par le gouvernement afin de mettre la main sur le reporter. L'horreur continue avec la jolie nuance de tons. On passe des plans colorés avec le taxi vert clair et la chemise jaune du chauffeur aux plans sombres de la manifestation au coeur de Gwangju...Plans sinitres qui se poursuivent dans les ruelles de la ville où on ne discerne plus qu'une lumière rouge vermeille tamisée, provoquant alors en nous une angoisse sans pareil. 

 Décidement, ce film est absolument à voir non seulement pour son statut historique, mais surtout pour ce qu'il dénonce et nous fait comprendre sur le gouvernement coréen. A Taxi driver est aussi un film humain par ses personnages empli d'émotions. Au fur et à mesure de l'histoire, il nous plonge dans une angoisse dérangeante... Je me suis sentie plus d'une fois étouffée dans cette atmosphère pesante d'un massacre inhumain, qui aujourd'hui encore, demeure bien présent dans le coeur et dans l'esprit des coréens. 

Le plus :

Le scénario, les personnages, la réalisation, la morale

Le moins :

Perte de dynamisme à certains moments

EN BREF :

Scénario: 5/5

    Réalisation: 5/5

   Personnages principaux: 4,5/5

    Personnages secondaires: 4/5

Et vous comptez vous regarder ce film? Qu'est ce que vous en avez pensé?